La commission Sauvé : une écoute pour les victimes d’abus sexuels dans l’église

  • Le 07/06/2019
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Commission_sauveDepuis le 3 juin 2019, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église catholique (Ciase) attend les témoignages des victimes. Après une forte pression de ces dernières, bien que créée en novembre 2018 à l’initiative de la Conférence des évêques de France (CEF), son fonctionnement est indépendant.

La Ciase devrait rendre ses conclusions fin 2020. Elle devra dresser l’état des lieux des abus, expliquer comment ces affaires ont été traitées par la hiérarchie catholique, évaluer les mesures prises par celle-ci depuis vingt ans pour prévenir ce fléau, et donner des préconisations.

Le 20 septembre 2019, Jean-Marc Sauvé a été l’invité de Claire Servajean dans le cadre de son émission « Une semaine en France ».

 

La Commission Sauvé

Cette commission indépendante avec à sa tête Jean-Marc Sauvé, l’ancien vice-président du Conseil d’état, est chargée d'enquêter sur les abus sexuels dans l'Église. Pendant un an, ses 22 membres (médecins, juristes, historiens, sociologues, …) enquêterons sur les actes commis par des clercs ou des religieux sur des mineurs et des personnes vulnérables depuis les années 1950.
 
L’intégralité des faits perpétrés au sein de l’Arche est donc recevable et toutes les victimes peuvent contribuer à évaluer l’ampleur des dégâts, faisant ainsi acte d’utilité publique, comme celles qui ont affronté l’exposition médiatique. Les personnes blessées qui ne se sont pas encore manifestées, ont une nouvelle opportunité pour se décharger du si lourd poids du non-dit.

La commission a lancé un grand appel à témoins, première étape de ses travaux.

L’Arche lance sa propre enquête. Contre-feu devant la commission Sauvé ?

Le 14 juin 2019, L’Arche Internationale décide de lancer une enquête externe et indépendante afin de comprendre ce qui a pu permettre au père Thomas d’abuser sexuellement les assistantes, pendant 25 ans, en toute sérénité et impunité.

On peut voir dans cette décision d’enquête externe, une réaction fébrile de l’Arche en France suite à l’activation de la commission Sauvé onze jours auparavant, avec une tentative de garder sous sa coupe, dans la commission maison, les témoignages des nombreuses personnes blessées.

Habilitée à déterminer les responsabilités, on peut comprendre que les dirigeants de l’Arche redoutent les conséquences de l’audition de l’intégralité des victimes devant les membres impartiaux de la commission Sauvé.

Pourtant, n'est-ce pas le chemin d'une rédemption sincère ?

Nous le saurons en fonction de la version des résultats de l’enquête diffusée fin 2019, celle brute, impartiale et factuelle mais très déstabilisante pour l’Arche, ou la deuxième version édulcorée demandée aux enquêteurs, priés de remettre leur ouvrage sur leur métier afin de fournir un contenu plus présentable, par crainte que le contre-feu ne se transforme pas en vaste incendie. Personne ne se fait d’illusion sur la valeur de ce qui sera émis. Une révolution ne se fait pas à contrecœur. Les vieux réflex et les vieilles habitudes ont la vie dure.

Comment contacter la Commission Sauvé ?

Trois possibilités sont offertes pour recueillir la parole des victimes ou des témoins :

. un numéro de téléphone : 01 80 52 33 55 (9h à 21h, 7j / 7)
. une adresse mail : victimes@ciase.fr
. une adresse postale : Service Ciase – BP 30 132 – 75525 Paris Cedex 11

A noter que les écoutants de la plateforme téléphonique ont été spécialement formés en partenariat avec la fédération France-Victimes. Les répondants (professionnels) ont eu une formation complémentaire afin de mieux connaître les traumatismes spécifiques liés aux abus sexuels dans l’enfance, ainsi que l’organisation de l’Église pour ne pas fausser la parole des personnes.

Il est ensuite proposé aux témoins de répondre à un questionnaire anonyme (40 à 50 questions), par la suite exploité par un institut de sondage et analysé par des chercheurs.

Enfin, la commission va mener des auditions approfondies auprès des victimes volontaires avec l’objectif « d’analyser plus finement les relations entre la personne abusée et l’auteur, les réticences à parler, la libération de la parole, les réactions des familles et personnes informées, celles de l’Eglise catholique, le traitement fait par l’institution ecclésiale, les raisons du recours au droit ou l’absence de recours au droit de la part de la victime » explique Jean-Marc Sauvé.

Bilan à mi-parcours

Le 7 novembre 2019, devant la conférence des évêques réunis à Lourdes, Jean-Marc Sauvé fait un premier bilan du travail en trois axes mené par les vingt-deux membres de son équipe : appel à témoignages, inventaire, écoute des victimes.

À ce stade, ce sont plus de 2 500 appels, courriers et mails qui ont été reçus, émanant de toutes les générations. Il s'agit très massivement de personnes abusées pendant leur enfance ou leur adolescence, bien qu'il y ait également quelques majeurs, souvent vulnérables. Une fois le premier témoignage recueilli, la CIASE propose de répondre à un questionnaire plus poussé d'une quarantaine de questions, comportant également des espaces d'expression libre. Plus de 800 formulaires très documentés ont ainsi été renvoyés à la Commission.

"Ces chiffres semblent élevés, mais c'est en fait très peu", analyse Jean-Marc Sauvé. "Il faut avoir en tête la période concernée (70 ans), et l'importance de la population française qui a été en rapport étroit, à un moment donné, avec l'Eglise catholique (catéchisme, enseignement scolaire suivi dans un établissement religieux, ou inscription dans un mouvement de jeunesse catholique comme les scouts)".

Plus de 60% des témoins qui se sont manifestés jusque-là sont des hommes. "Si les appels correspondaient à la prévalence des abus sexuels, on devrait en avoir encore plus, ce qui signifie, en creux, que la parole se libère plus chez les femmes", explique Jean-Marc Sauvé. Autre caractéristique des témoins : ils ont un certain âge. 85% des appels émanent de personnes qui sont âgées de 50 ans et plus (et dans ces 85%, plus d'un tiers est âgé d'au moins 70 ans). Enfin, les témoins appellent plus souvent des métropoles que des zones rurales, ainsi que des régions où l’influence de l’Eglise catholique est importante, comme le Grand Ouest.

Afin de continuer à relayer son appel à témoin, la CIASE lance, fin novembre 2019, un "tour de France" à la rencontre des victimes, et du grand public, en commençant par les plus grandes métropoles. À l’occasion de ces déplacements, des victimes qui ne peuvent pas se rendre à Paris, souvent pour des questions d’âge, seront auditionnées.

Inventaire inédit des archives ecclésiastiques et civiles

C'est une première, et les victimes qui avaient déjà pris la parole le réclamaient : l'inventaire des archives de l'Église a été entamé le 31 mai 2019. Jean-Marc Sauvé a demandé aux supérieurs majeurs des congrégations religieuses et aux évêques, de faire le point, décennie par décennie, sur les abus commis : nombre de prêtres abuseurs dont les archives portent la trace, nombre de victimes, manière dont les affaires ont été traitées.

À ce stade, plus de 85% des diocèses ont répondu (un peu moins pour les congrégations). Les résultats sont assez inégaux, détaille le président de la CIASE : "Nous recevons des réponses avec inscrit 'néant, néant, néant' pour chacune des décennies. Dans d’autres cas, les réponses sont extrêmement précises et donnent des indicateurs quantitatifs, complétés de remarques qui viennent nourrir notre travail".

Une fois cet inventaire terminé, l’équipe de recherche de la commission va se rendre sur place pour fouiller dans les archives de 15 à 20 diocèses, "là où les archives sont les plus consistantes et significatives, ou bien là où il n’y a rien alors qu’il y a par ailleurs beaucoup de témoignages". En parallèle est aussi en cours un inventaire des archives nationales civiles. La CIASE est ainsi en contact avec le ministère de la Justice pour faire l’inventaire des affaires encore présentes dans les archives des tribunaux.

"C'est un travail colossal. Nous avons deux ans pour le mener, quand dix n'y suffiraient pas", admet Jean-Marc Sauvé.

Écouter des victimes, qui se sont parfois tues pendant plus de 60 ans

Ce qui marque pour l'instant Jean-Marc Sauvé, ce n'est pas le nombre des abus, mais la gravité des séquelles qu'ils ont laissées : "Pour moi qui n‘était pas familier de ces questions, c’est une découverte stupéfiante, et un travail éprouvant dont il est impossible de ressortir indemne".

Ces auditions, menées pour l'instant à Paris, durent au minimum deux heures, parfois plus, et racontent des abus sexuels, mais aussi spirituels. "C'est de l'abus au carré : il porte sur l'intimité totale de la personne, dans son esprit et dans son corps". Certaines victimes ont été abusées il y a parfois des décennies et n'en avaient parlé à personne. Leur première prise de parole est pour la CIASE. "Nous représentons pour elles, un groupe de personnes indépendantes, impartiales, de bonne volonté, prêtes à tout écouter et tout entendre, sans préjugé. Nous inspirons une certaine confiance, et nous devons en être digne" reconnaît Jean-Marc Sauvé, qui a signalé jusque-là une quinzaine de dossiers à la justice.

Abus sexuels église médias

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