L’inspection du travail menace de saisir le juge d’instance en référé contre l’Arche
- Le 12/01/2020
- 7 commentaires
Suite à un contrôle dans une communauté de l’Arche dans l’Isère, l’inspection du travail de la DIRECCTE région Auvergne-Rhône Alpes envisage de saisir le juge d’instance en référé devant la gravité de ses constations.
Les dysfonctionnements et illégalités depuis longtemps dénoncés sur ce blog et rappelés ci-dessous, sont enfin dument vérifiés par une autorité compétente. L’Agence du Service Civique avait un peu levé le voile mais la DIRECCTE a procédé à un examen approfondi de la situation des assistants en foyer, et produit des conclusions implacables et juridiquement étayées qu’on peut espérer devenir sources de jurisprudence.
Il ne faut pas faire l’erreur de croire que les graves manquements constatés constituent une exception, conséquences d’une communauté négligente. Au contraire, ils d’écoulent d’une règle en vigueur appliquée dans toutes les communautés nationales sous l’égide de l’Arche en France, pleinement consciente ne serait-ce que de l’illégalité du forfait jours, mais adoptant la politique de l’autruche tant que personne ne relève les manquements à la loi.
En ce début d’année 2020, une page se tournerait-elle ? Il est à souhaiter que les assistants, salariés et volontaires, soient informés sur leurs droits bafoués, et saisissent l’inspection du travail de leur DIRECCTE respective afin de les faire valoir.
L’illégalité du forfait jours expose l’Arche à des sanctions par voies légales
Pour justifier le forfait jours de 60 heures minimum hebdomadaire, l’Arche argue dans le préambule du contrat de travail que « Ce mode de vie et de travail relève des dispositions initialement prévues par l’article L.774-3 du code du travail et intégrées par l’ordonnance 2007-329 du 12/03/2007 relative au code du travail, dans le code de l’action sociale et des familles sous l’article L.433-1 concernant les permanents des lieux de vie. ».
En 2007, le législateur souhaitait protéger le salarié de tous abus, avec des modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés concernés, nécessaire à la garantie du droit à la santé et au repos par une amplitude et une charge de travail raisonnables assurant une bonne répartition dans le temps du travail du salarié. Mais comme aucun garde-fou n’a été mis en œuvre, aucun décret d’application n’est paru et il en découle que le forfait jours est donc illégal depuis l’origine.
La Cour de Cassation a d’ailleurs statué le 10 octobre 2018 par l’arrêt n° 1446 (17-10.248), qu’en absence de son décret d’application, le forfait jours pour les permanents responsables et les assistants permanents exerçant au sein des lieux de vie et d’accueil n’est pas applicable.
Cette décision de la Cour de Cassation a été prise sur le fondement de l’article 1er du Code Civil mais également suivant l’article 11 du Préambule de la Constitution, de la Charte Sociale Européenne ainsi que de la Charte communautaire des droits sociaux et fondamentaux des travailleurs.
Autrement dit, l’absence du décret précisant les modalités de suivi de l’organisation du travail ne constitue pas un simple incident technique, mais une question de fond posée par le texte même de l’article L.433-1, dont ce dernier s’exposerait certainement aux foudres des plus hautes juridictions – Cour de Justice de l’Union Européenne et Conseil Constitutionnel – en violant les droits fondamentaux des travailleurs et particulièrement celui du droit au repos, à la santé et au respect de la vie privée.
Il est à noter que la protection accordée par la règlementation de l’Union Européenne (Cour de justice de l’UE du 21/2/18 – Affaire C-518/15) ne se limite pas qu'aux salariés, mais s’applique plus généralement aux travailleurs, ce qui inclue ainsi les volontaires et les bénévoles.
L’Arche semble occulter que sa responsabilité civile et pénale est susceptible d’être engagée en cas d’accident lié directement ou indirectement aux durées assurément excessives des temps de travail. Divers évènements constatés de-ci de-là, comme l’effondrement d’un jeune assistant étranger se repliant trois jours dans sa chambre en ne sortant que la nuit pour s’alimenter seul, une soudaine crise de larmes en journée d’une assistante, ou des arrêts de travail pour épuisement professionnel, ne semblent pas interroger les responsables des assistants, qui eux, ne vivent pas ce qu’ils imposent aux acteurs « terrain » vivant en permanence avec les personnes handicapées mentales dont ils ont la responsabilité directe, de jour comme de nuit.
Il y a violation permanente et majeure des dispositions de la directive européenne n° 2003/88/CE du 4/11/2003 relative aux aménagement du temps de travail.
Le non-respect de cette réglementation européenne expose l’Arche à des actions contre elle par voies légales compétentes en la matière, pouvant induire des contraintes rapides en cas de saisie par quiconque, du juge d’instance statuant en voie de référé.
Atteintes aux libertés individuelles
L’inspection du travail de la DIRECCTE région Auvergne-Rhône Alpes a relevé des clauses abusives dans les règlements intérieurs comme celle qui présume que les « assistants vivant en foyer » ne peuvent sortir sans autorisation de l’enceinte de l’Arche, y compris pendant leur temps de pause, ou encore, celle qui interdit à ces mêmes assistants, alors même qu’ils sont tenus de dormir sur place en permanence, de recevoir qui que ce soit sans autorisation.
Dans les contrats de travail des communautés de l’Arche Oise, y figurent même la clause « L’association accueille ces personnes avec un handicap dans des lieux de vie de petite taille, à caractère familial, ce qui implique pour les assistants salariés en foyer de vivre de façon continue et permanente sur place » attachant explicitement l’assistant à son travail.
Egalement, l’assistant est tenu, formellement ou non, d’indiquer à son référent, la naissance d’une idylle amoureuse avec un(e) autre assistant(e) du foyer afin qu’ils soient géographiquement séparés.
Bien justement, l’inspecteur du travail n’admet pas ces restrictions graves aux libertés individuelles disproportionnées par rapport à la mission à réaliser par l’assistant.
Obligations de loger sur son lieu de travail et d’y manger facturées
L’assistant est obligé d’habiter sur son lieu de travail, et non gratuitement qui plus est, comme le stipule dans le contrat de travail, l’article 5 « Lieu de vie et de travail » qui porte si bien son nom :
« M/Mme X exercera ses fonctions dans un des foyers de l’Arche où il/elle disposera d’une chambre réservée à son usage exclusif. Cette chambre constituera son domicile moyennant une participation financière aux dépenses d’hébergement. ».
Etonnant que le logement de fonction imposé – une simple chambre souvent contigüe à celle des personnes handicapées – soit considérée comme avantage en nature et facturée, tout comme est surprenant la déduction du salaire des repas alors que les assistants sont tenus de les prendre avec les personnes hébergées, au regard de la charge de travail mais également de l’absence de tout lieu adéquat mis à leur disposition.
L’inspection du travail tacle l’Arche sur les rémunérations
Les assistants en foyer perçoivent une rémunération au SMIC pour un horaire de 35 heures hebdomadaire alors qu’ils travaillent au minimum 60 heures par semaine – des témoignages avancent même jusqu’à 70h – et, de plus, ne sont pas rémunérés ni compensés en repos et en temps pour les astreintes nocturnes.
Nul besoin d’être spécialiste en droit du travail pour constater que cette situation contrevient nettement à la réglementation en vigueur, et l’Arche en France ne peut avancer l’ignorer.
foyer assistantes assistants Forfait jours Service Civique
Commentaires
-
- 1. changemaker Le 16/02/2022
Hi!
Has anything changed to the abusive situations at L'Arche? Any updates?
Thanks for this great page making the scandals at L'Arche transparent!
I know several former volunteers and employees and their shocking reports about L'Arche. -
- 2. Sabine Le 01/03/2020
Non mais Joo,on croit rêver certes vous aimez votre métier au sein de l’Arche mais c’est abusé de faire 70 heures par semaine,je doute que lorsque l’on fait autant d’heures on reste bienveillant ,étant moi meme éducatrice lorsque je fais ma semaine de 44 heures ,et bein déjà au bout de 40 heures je ne suis pas bienveillante du tout ,et moi j’ai la chance d’avoir des collègues qui prennent le relais chose qui ne peut pas toujours être faite au sein de l’arche car souvent vous êtes seul a assurer,ne me dites pas que c’est faux car une personne très proche de moi y bosse! Ou alors vous êtes un super héros!!!
Et puis vous taxer la bouffe sur vos salaire alors que la plupart du temps avec les horaires que vous faites ce sont des repas éducatifs c’est abusé quand meme!! -
- 3. Karoulmba Le 25/02/2020
Pigeon ou pas pigeon, l'arche est dans l'illégalité. Dans la loi 433-1 du contrat du Service Civique ou du Permanent (Assistant) elle n'est pas applicable parce qu'il n'y a pas de décret et sans décret ce contrat n'est pas valable...
Les personnes en situation de handicap à l'arche sont merveilleuse je ne peux pas le cacher, mais la communauté ou j'ai travaillé et dans une illégalité des plus total.... Et ne parlons pas de problème de drogue.... -
- 4. Salarié de L'Arche Le 16/02/2020
60 - 70 heures hebdomadaires du travail dûr PLUS 60 heures de permanences !!!! C'est absolument fou !!!! -
- 5. Vincent Le 13/02/2020
Votre article m'a beaucoup fait réfléchir et donné envie de connaître les lois.
Oui il se passe beaucoup de belles choses à l'Arche,
Oui, l'Arche doit maintenant veiller au respect des droits des salariés c'est une urgence, car comment vouloir mettre en avant le respect de la dignité des personnes accueillies si l'on ne respecte les droits des salariés et donc leur dignité ?
L'idéal est d'avoir le courage de dénoncer les abus et non-respect des lois, tout en continuant de mettre en lumière la beauté de la mission de l'Arche. -
- 6. Joo Le 09/02/2020
Je suis justement l’un de ses pigeons (Adjoint interne d’un foyer occupationnel), l’Arche n’est pas parfait j’en conviens mais sa varie quand même d’une communauté à l’autre, certaines généralités reste à nuancer je pense. Si l’on est d’accord pour être payer si peu pour notre masse de travail c’est aussi parce que l’on aime nôtre travail, les personnes que l’on accompagne. L’Arche n’est pas parfait et demande une sacrée réorganisation mais il s’y passe de belle chose tout de même et c’est pour sa que nous restons, je crois personnellement au projet de l’Arche, il faut juste se mettre au goût du jour. -
- 7. Biker Le 12/01/2020
Il faut avoir des pigeons dans son arbre généalogique pour travailler 60 heures payées 35 !
Ajouter un commentaire