L’Arche, la galère moderne des assistants et des jeunes en service civique
- Le 13/12/2018
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Des rencontres entre jeunes lors du 1er séminaire obligatoire organisé par l’agence du Service Civique pour tout nouveau volontaire, ont fait prendre conscience à ceux de l’Arche et à l’agence, qu’ils étaient « hors norme » au niveau des heures et des obligations, soumis au même forfait jours que les salariés (voir Le forfait jours illégal ou « Les assistants abusés, l’autre scandale de l’Arche » ) pour une rémunération de 473 € net, ou de 300 € net pour les étrangers (Erasmus+).
Des réclamations mettent en cause, en autres, la charge horaire de 65 à 70 heures par semaine pesant sur eux et la réalisation de tâches qui relèvent d’actes professionnels.
Des jeunes quittent même le navire au point que des communautés sont dans l’obligation de faire appel à la Croix Rouge, faute de pouvoir faire fonctionner ses foyers avec sa main œuvre bon marché habituelle.
Les conditions de travail des assistants, volontaires ou salariés, ont déjà été abordées dans les billets suivants :
. L’ostentation religieuse de l’Arche
. Le forfait jours illégal ou « Les assistants abusés, l’autre scandale de l’Arche »
. Suite à des plaintes, des inspecteurs d’Erasmus débarquent à l’Arche
. L’argent des volontaires européens finance les pèlerinages de l’Arche ?
Surinvestissement induit
La distinction entre les temps de repos et les temps pendant lesquels les volontaires travaillent à l’accompagnement des personnes handicapées est nébuleuse à cause de la vie en communauté et l’hébergement sur place. Cette vie en collectivité entraine une implication dans la vie quotidienne en complément des salariés (tâches ménagères, cuisine, …) qui mènent à des dérives bien au-delà de la limite des 48h hebdomadaires sur 6 jours maximum, 10h quotidiennes maximum, et d’un temps de repos nocturne de 8h consécutives, conformément à l’article L120-8 du Code du Service National.
Ces temps peuvent sembler excessifs pour des volontaires, mais ils abaissent toutefois les plafonds vertigineux du forfait jours, statut des assistants salariés relevant de l’article R433-1 du code de l’action sociale et des familles stipulant que le travailleur est non soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires prévus par le code du travail, ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés.
Rappelons que ce statut est illégal faute de décret d’application comme il a été démontré dans l’article « Le forfait jours illégal ou « Les assistants abusés, l’autre scandale de l’Arche » » et que l’Agence Erasmus+ impose à l’Arche, suite à son contrôle, des plafonds bien inférieurs pour les volontaires européens (voir « Suite à des plaintes, des inspecteurs d’Erasmus débarquent à l’Arche »).
Dans l’immédiat, l’Arche adopte la politique de l’autruche en feignant de ne rien savoir, tout en faisant du lobbying avec le concours de Monsieur P., conseiller d’Etat nommé secrétaire général des ministères chargés des Affaires sociales en janvier 2013, et démissionnaire en juillet de la même année. L’autruche risque de devoir sortir très violement la tête du trou pour être mise devant ses responsabilités par l’intervention des DIRRECTE des régions d’implantation des nombreux foyers de l’Arche en France.
Il est paradoxal de voir que les assistants salariés auront des conditions de travail bien meilleures que les volontaires quand les premiers verront leur contrat de travail rentrer dans la légalité, avec 35 heures hebdomadaires ou en 37 heures avec RTT compensateurs.
Responsabilités exagérées
Permanences de nuit dans les foyers sans présence d’un salarié, tout comme la distribution des médicaments aux personnes handicapées, font parties des responsabilités disproportionnées sur les épaules des jeunes volontaires, sans compter l’implication des volontaires dans l’accompagnement des personnes handicapées dans leur hygiène et les gestes intimes (toilettes des parties intimes, change des protections intimes). Ces actions devraient être réalisées par des professionnels.
Aussi, le volontaire devrait être informé par le règlement de fonctionnement du foyer et dans le livret d’accueil qui lui est délivré à son arrivée, que cette aide à la personne handicapée, apportée dans des gestes de la vie quotidienne, repose sur le libre souhait des volontaires et des personnes bénéficiaires, avec régulières vérifications par les personnels encadrants et notamment les tuteurs.
Compte-tenu du caractère sensible lié à la prise de médicaments (erreurs, fausse route, …), de l’absence de qualification et de formation des volontaires, l’action de ces derniers devrait se limiter à une simple surveillance des prises de médicaments réalisés par les patients eux-mêmes lorsqu’ils en ont les capacités.
Le volontaire, substitut à l’emploi d’un salarié
Parmi les plaignants, plusieurs ont souligné que leurs missions ne se distinguaient pas ou pas suffisamment de celles des assistants salariés, que ce soit par la nature des tâches ou du volume horaire comme le confirme l’utilisation du forfait jours commun à tous les contrats.
Les volontaires apportent aujourd’hui une réelle plus-value au fonctionnement de l’Arche et ils sont devenus anormalement indispensables. D’ailleurs, les divers contrôles par les administrations ont provoqué la création d’un cadre de travail sur la « dépendance » au Service Civique porté par l’Arche en France, et cette problématique a été un des principaux sujets de l’Assemblée Générale du 24 juin 2019.
Enfermement sur la vie communautaire
Le relatif isolement géographique de la plupart des foyers de l’Arche Oise et les activités qui offrent peu d’occasion de contact avec l’extérieur de la communauté hôte, engendrent un repli sur la vie communautaire, accentué par les impératifs horaires (présence obligatoire au petit-déjeuner et en soirée, pause entre 14h et 17h, …) et l’excessif temps de travail.
Les volontaires accueillis peuvent ressentir un certain enfermement par l’absence d’ouverture des communautés, à la fois établissements médico-sociaux et lieux de vie communautaire. L’expérience vécue par les volontaires s’enrichirait de plus nombreuses missions accessibles à des volontaires non-résidents associés à des missions sans hébergement.
Contractuellement, l’Arche doit accompagner le volontaire sur des projets d’avenir avec une préparation régulière et ouverte sur une variété de parcours possibles. En réalité, il n’y a qu’une préparation étriquée et nombriliste, focalisée sur la vie quotidienne en foyer et l’adaptation des jeunes à la vie communautaire. Bref, obligée de contribuer à l’accompagnement au projet, l’Arche l’a détourné à son profit plutôt qu’à celui du légitime bénéficiaire, et à minima, probablement avec l’objectif de conserver le jeune au terme de sa mission, via un contrat de Volontariat Associatif.
L’encadrement des volontaires
L’Agence de Service Civique impose un tuteur pour chaque volontaire. A l’Arche, le tutorat est assuré conjointement par les responsables de service, tuteurs officiels, et par les responsables de foyers au quotidien. En pratique, les volontaires ne rencontrent que très rarement leur tuteur officiel.
Chaque mois, 100 € sont versés à l’Arche par volontaire, pour financer pour partie leurs formations. Malgré de multiples relances, l’Agence rencontre des difficultés pour obtenir les informations comptables indiquant l’utilisation de ces fonds.
Le mariage de la carpe et du lapin
En mars 2019, Thierry LANGLET le responsable des Ressources Humaines de l’Arche en France se réjouissait d’avoir obtenu l’arrêté de l’Agence du Service Civique autorisant 402 missions d’une durée moyenne de 8 mois pour la période de janvier 2019 à mars 2020, volume dépassant celui réalisé en 2018.
Les signalements et les contrôles débouchant sur des constatations très critiques, devraient compliquer la négociation du quota de missions pour 2020 – 2021, voire mettre en danger l’agrément si l’exploitation des volontaires n’était pas totalement éradiquée sur l’ensemble du territoire, et non pas exclusivement au niveau d’un site, fut-il le plus vaste.
Du moins en théorie car l’Agence du Service Civique semble montrer une étonnante indulgence pour cette association qui, en plus de ne pas respecter ses obligations envers elle et d’épuiser les jeunes qu’elle confie à l’Arche, est très loin d’être immaculée, comme ce blog l’illustre par des méfaits de première grandeur dont les médias se sont fait abondement l’écho. L’agence peut maintenant difficilement les ignorer et doit les confronter à ses instructions de début d’année 2019 relatives aux modalités de mise en œuvre du Service Civique pour l’année :
« Les objectifs prioritaires de l’année 2019 sont orientés vers la préservation de l’intégrité du Service Civique. Il s’agit de favoriser toutes les démarches visant à garantir la qualité des missions, les initiatives prises pour valoriser auprès des jeunes le Service Civique et de développer les programmes de contrôles diligentés par l’Agence ou organisés au niveau local. »
Le Conseil d’administration de l’agence a fixé à 84 530 le nombre de nouveaux volontaires accueillis en 2019. Souhaitons que la priorité ira au bien-être des jeunes, à la qualité de leur mission avec les bénéfices en découlant, plutôt que le respect de cet objectif chiffré.
Appel au secours !
Voici une supplique de Marie, n’appartenant pas à l’Arche mais qui relaye les souffrances de ses amis qui y travaillent, en s’adressant à un ancien directeur de l’Arche.
Ce regard extérieur est intéressant car il n'est pas sous influence dogmatique, et les propos avancés corroborent les constatations de la « News-Team », impliquée à l’Arche mais les yeux grands ouverts et les idées claires...
‘’Je n’appartiens pas à l’Arche, mais j’ai des ami(e)s qui sont soit éducatrice pour groupe « occupationnel », soit à TEMPS COMPLET au service d’un foyer (24 h/24 avec 2 h de repos, 1 dimanche tous les 3 semaines et un W-E tous les mois) avec un salaire autour de 500 € !
Je pense particulièrement à cette personne vue hier (3 ans à l’Arche) et qui aime son « apostolat ». Ça se sent quand je la vois avec « son équipe ». Mais là, elle n’en peut plus : sans famille proche, sans temps ni lieu à elle, elle est au bord de l’implosion, surtout que son maigre « salaire » ne peut rien lui permettre, comme prétendre avoir un lieu à elle, etc.
ELLE M’A APPELE A L’AIDE n’en pouvant plus (pas de « cette vocation » qu’elle a choisie) , mais du peu de moyens pour « s’échapper », tant financièrement qu’en temps …
Quant à mon autre amie, (mère de famille de 6 enfants, juste indépendants), éducatrice spécialisée, veuve, avec un gros loyer et à 50 kms du foyer, elle ne compte pas ses heures à l’Arche car préparations et paperasses sont en plus du travail concret… et là aussi, pour un salaire qui n’existe qu’à l’Arche !! Certes l’Arche doit garder son esprit, mais ceux qui y travaillent avec amour, un dévouement qu’on ne rencontrait que dans les communautés religieuses autrefois, doivent avoir la possibilité de VIVRE NORMALEMENT, sans ce sentiment « d’abus de pouvoir » et « d’abus de leur dévouement » !!
En tant qu’ancien directeur de foyer , j’aimerais que vous puissiez « militer » pour « toutes ces petites mains » si dévouées au prix de leur vie personnelle… en essayant d’obtenir pour elles de meilleures conditions de vie, tant financièrement que de « liberté » pour pouvoir vivre un peu « en dehors » de la structure…. MERCI POUR ELLES…’’
Témoignage d’une ancienne assistante en Service Civique à l’Arche
En commentaires à des communications de l’Agence du Service Civique sur twitter (@ServiceCivique), on trouve des témoignages d’anciens assistants volontaires à l’Arche, dont celui détaillé de Joanna relatant son expérience :
« @ServiceCivique Sachez que les missions qui sont proposées par l'Arche en France sont de l'emploi déguisé. Les jeunes y travaillent 60 à 70h par semaine, 6 jour sur 7, 1 weekend par mois, dorment sur place pour une indemnité époustouflante de 473,04€.
Ils y font le même travail que les salariés présents sur place dans ces foyers de vie; préparation des repas, entretien et nettoyage du foyer, animation, aide à la prise de médicaments, accompagnements à la toilette, suivi personnalisé des projets éducatifs. EXPLOITATION.
Je compte bien faire entendre mon témoignage parce que maintenant je n'ai plus rien à perdre. Je ne suis plus endoctrinée par cette association. Je ne suis plus dans l'idée de rester enfermée toute ma vie à travailler là-bas.
Par contre je ne laisserai pas mes amis restés à travailler là-bas, se faire exploiter plus longtemps. Leurs horaires :
Lundi 8h-14h 16h-21h
Mardi 8h-14h 16h-22h
Mercredi 8h30-14h 16h-21h
Jeudi 7h30-14h 16h-21h
Vendredi REPOS
Samedi 9h-14h 16h-21h
Dimanche 9h-14h 16h-21h
Si vous voulez plus de précision : C'est un foyer de vie pour personnes en situation de handicap mental. La mission du personnel (volontaires inclus) est de rendre ces personnes plus autonomes dans la vie quotidienne et ainsi améliorer leur qualité de vie.
Parfois leurs pauses sont réduites ou tout simplement supprimées. Il est déjà arrivé d'inciter un volontaire d'être bénévole sur son jour de repos pour un évènement.
Après leur contrat de 6, 8 ou 10 mois, ils peuvent prétendre à un contrat de volontaire associatif (plus de responsabilités pour le même salaire). Etant donné qu'il y a moins de place que de volontaire motivé pour cette deuxième année, il se crée un climat malsain de compétition.
J'ai oublié de dire aussi que les volontaires ayant le permis sont très souvent sollicités pour amener des personnes en rendez-vous MÉDICAL ou encore faire les courses.
Alors oui c'est une opportunité pour des jeunes qui s'intéressent à ce secteur d'activité ou qui tout simplement veulent se rendre utile. Oui ils deviennent plus responsables, autonomes, polyvalent et acquièrent de l'expérience.
Mais en contrepartie ils n'ont plus de vie sociale. Enfin si mais il faut choisir entre le repos bien mérité et voir ses amis. De plus, ils n'ont pas le droit d'inviter des gens à dormir dans leur chambre.
Cette expérience peut enrichir mais aussi détruire. »
Oppression de l’ordre de l’enfermement
Philippe, postulant à l'Arche a écrit :
‘’J’ai postulé à l’Arche, suivi la procédure et notamment le déplacement à Paris, puis l’immersion d’une journée dans l‘un des lieux d’accueil pas très loin de Lyon.
Avant la fin de la journée, j’ai ressenti une forte oppression, de l’ordre de l’enfermement (je parle du Personnel, pas des résidents), et une irrésistible envie de fuir pour retrouver mon intégrité.
J’ai près de 40 ans de métier !’’
Signalement des dysfonctionnements
Les volontaires, engagés en Service Civique et leur famille, peuvent signaler à l’Agence les dysfonctionnements dont ils estiment être victimes : Annuaire des recours pour les victimes d’abus sexuels, les assistants et les volontaires de l’Arche
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Commentaires
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- 1. Nathalie Le 13/09/2023
J’ai travaillé à l’Arche Montréal en tant que salariée et ce fut un choc. Je devais donner quotidiennement des seringues seule à une résidente, sans formation et par obligation. Je devais faire des toilettes intimes et essuyer. Payée sous le seuil minimum et 40h au lieu de 60h.. Sans parler de la manipulation de la direction.
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